Depuis qu'il tient un stylo, l'artiste franco-japonais Victor Takeru (né en 1998) rêvait de devenir cartooniste. Cependant, il s’est vite rendu compte qu’il manquait de patience pour créer des histoires et a décidé de se tourner vers une carrière artistique. Son style est une fusion intrigante d’influences, mêlant des artistes japonais tels que Matsumoto Taiyo, des contemporains comme David Hockney et Claire Tabouret, ainsi que le monde dynamique du street art, ce qui donne une approche biculturelle unique.
La Sato Gallery accueille son plus jeune artiste, Victor Takeru, dans la famille. À partir du 27 octobre, les œuvres de Takeru seront exposées à Rotterdam, et nous avons eu l’occasion de nous asseoir avec lui pour discuter de son parcours artistique prometteur.
Grandissant à Paris, Victor Takeru a ressenti un sentiment de “différence”. Vivre entre deux cultures distinctes a été enrichissant mais également complexe. Alors que ses amis d’enfance passaient leurs étés dans le sud ensoleillé de la France, Victor se retrouvait souvent à Nagoya, dans des lieux plus reculés et moins animés, pour rendre visite à sa famille pendant plusieurs semaines. Bien que cela ait été parfois frustrant, à 25 ans, il en garde un sentiment de gratitude.
Il remarque : “J’ai de nombreux amis qui sont d'origine mixte mais ne parlent pas un mot de japonais parce que l’un de leurs parents a abandonné.”
Né à la fin des années 1990, les peintures de Victor Takeru offrent un aperçu de la culture des jeunes adultes d’aujourd’hui et de Tokyo contemporain. Imprégnées d’une touche de nostalgie, ses œuvres capturent l’essence des longs jours d'été, des moments d’ennui et des éclats de joie. Ses toiles nous entraînent dans des voyages en voiture, nous invitent à une sieste en tabi et nous offrent un aperçu de scènes intimes, y compris une représentation d’une scène de toilettes. Les iPhones et les cigarettes, les couleurs vives, ainsi que le personnage de chat omniprésent, que Victor considère comme un alter ego, créent un lien avec le monde du street art.
Récemment, il s’est tourné vers des créations plus intimes, en particulier les autoportraits. À Rotterdam, il dévoilera une série de ces portraits personnels.
CZ : À en juger par votre Instagram, vous semblez très productif.
VT : Cette année a été particulièrement chargée pour moi. Cette exposition à Rotterdam est ma quatrième de l'année. Je me sens coupable lorsque je ne travaille pas. J’ai constamment besoin de prouver que je suis compétent dans ce que je fais. Je n'ai pas fréquenté d'école d'art ; tout ce que je fais, je l'ai appris moi-même. Mon identité s'est construite autour de mon travail, et cela me donne confiance en moi. Quand je termine une toile et que je suis satisfait du résultat, c’est une véritable satisfaction.
CZ : Pouvez-vous nous en dire plus sur les sujets de vos œuvres ?
VT : Je peignais beaucoup de souvenirs. Je suis une personne très nostalgique. Récemment, je me suis intéressé aux autoportraits. Tout au long de ma vie, je n'ai pas été très confiant en moi-même, et j'ai réalisé que faire de nombreux autoportraits pourrait m'aider à trouver une forme de paix intérieure.
J'ai toujours caché les yeux des personnages que je peins. Bien que les gens soient visibles, ils transmettent quelque chose, même si l'œuvre ne montre pas explicitement d'émotions.
CZ : Est-il étrange de peindre son propre visage en détail ?
VT : Oui, c'est étrange. Dans toutes les peintures que je fais, les yeux sont fermés. J'ai fui de nombreuses responsabilités, et je pense que c'est ma façon de reconnaître cela. Je ferme les yeux sur le mauvais côté des choses. On peut en dire beaucoup en regardant les yeux de quelqu'un. Dans mes peintures, personne ne se montre. J'ai toujours caché les yeux des personnages que je peins. On voit des gens et ils nous transmettent quelque chose, même si l'œuvre ne montre pas explicitement d'émotions. En tant que spectateur, on ne sait pas comment réagir.
CZ : Quelle est votre ambition artistique ?
VT : Mon ambition est d’être exposé dans un musée d’art moderne. Je me mets beaucoup de pression. Lorsque j’admire un artiste, je cherche ce qu’il faisait à mon âge et je me compare à lui. C’est dans notre nature humaine de comparer, n’est-ce pas ? Nous comparons aussi les prix des produits que nous achetons. Je me compare constamment aux autres artistes.
CZ : Vous êtes donc strict avec vous-même ?
VT : Étant un artiste autodidacte, la discipline est essentielle pour moi. Chaque matin, je fais une marche de 30 minutes pour changer d’air. Je peins dans la pièce où je dors, donc j’ai besoin de me rafraîchir pour revenir chez moi et travailler. J’écoute des podcasts sur l’art pendant que je peins et j’utilise des tutoriels YouTube pour apprendre certaines techniques ou l’utilisation de la peinture à l’huile. On peut apprendre à cuisiner et à peindre de la même manière.
CZ : Pensez-vous que la culture japonaise est sentimentale mais peu émotionnelle ?
VT : En culture japonaise, montrer ses émotions n’est pas bien vu, ce qui peut être vrai. Cependant, ayant grandi en France, je pense que je suis plus proche de la culture française, où l’on exprime son opinion à tout moment. Lorsque j’étais plus jeune, je pensais que j’étais différent, japonais. J’avais un respect pour les personnes âgées qui est rare en France. Mais depuis que je vis au Japon, je me rends compte à quel point je suis français !