L'Histoire de Takeru Amano

Une interview avec Takeru Amano
Juillet 1, 2021
L'Histoire de Takeru Amano

À l'âge de dix ans, Takeru Amano (né en 1977) découvre une exposition de Keith Haring dans un grand magasin de Tokyo. Ce qu’il y voit le marque profondément : Haring peint directement sur les murs du magasin. Inspiré, le jeune Takeru décide de reproduire cette audace en peignant des fleurs sur les murs de la piscine locale.  

Ce premier geste signe le début d'une carrière riche en couleurs.

 

Né avec un crayon à la main, il était évident qu’il deviendrait artiste. Toute sa famille dessinait, c'était une partie intégrante de leur quotidien. Il n’avait pas besoin d’aller à l’école d’art. Que pouvait-il apprendre là-bas qu’il ne savait déjà ?

En 2000, pourtant, Takeru se rend à New York avec l’idée d’intégrer une école. Il envoie son portfolio, est accepté — “Venez dès demain !” lui dit-on — mais il n’y est jamais allé. Il estimait ne pas avoir le temps pour cela et préférait explorer la ville et sa culture, si différente de celle dont il venait.

 

Né avec un crayon à la main, il était évident qu’il deviendrait artiste. Toute sa famille dessinait, c'était une partie intégrante de leur quotidien. Il n’avait pas besoin d’aller à l’école d’art. Que pouvait-il apprendre là-bas qu’il ne savait déjà ?

En 2000, pourtant, Takeru se rend à New York avec l’idée d’intégrer une école. Il envoie son portfolio, est accepté — “Venez dès demain !” lui dit-on — mais il n’y est jamais allé. Il estimait ne pas avoir le temps pour cela et préférait explorer la ville et sa culture, si différente de celle dont il venait.

 

 

(solo exhibition - 2021: A Space Odyssey - Paris, 2021  ©️Sato Gallery) 

 

N'étiez-vous pas intéressé par l'école d'art, ne serait-ce que pour rencontrer des personnes partageant les mêmes idées ?

 

“Pas vraiment. Bien que je savais que certains artistes de ma génération y étaient passés, l'idée ne m'attirait pas. J’ai quitté Yokohama [ndlr : sa ville natale] pour Tokyo parce que j'avais besoin de changement dans ma vie. Ensuite, je suis parti de Tokyo pour New York pour la même raison. J'avais besoin de me libérer de la routine dans laquelle j'étais, et ce dont j'avais surtout besoin, c'était de temps pour moi.”

 

Après avoir passé quatre ans à New York, Takeru est retourné à Tokyo, où il a commencé à organiser ses propres expositions et événements artistiques à un rythme effréné. On pourrait se demander pourquoi Takeru ne trouvait pas de galerie appropriée, mais à l'époque, les galeries étaient généralement situées dans des quartiers huppés comme Ginza et étaient plus souvent des espaces de location commerciaux que de véritables soutiens pour les artistes. En plus, ces lieux aseptisés ne correspondaient pas à la nature de ses œuvres.

 

Pendant des années, Takeru n'était pas seulement un artiste, mais aussi un entrepreneur. Il était à la fois son propre galeriste, producteur et graphiste. Il créait des œuvres d'art, mais aussi des housses de couette, des serviettes et des briquets. 

C’est également à cette époque qu'il a rencontré Julien Sato. Les deux ont souvent collaboré, organisant des événements où Takeru réalisait des peintures en direct ou des performances de VJing.

 

(Live painting by Takeru Amano - Tokyo, 2016) 

 

Comment était-ce d'organiser des expositions à Tokyo à cette époque ?

 

“J'étais toujours à la recherche de lieux intéressants pour exposer : des boutiques spécialisées, des cafés, des bars. Je n'ai jamais travaillé avec un manager ou une galerie, mais je collaborais avec les propriétaires des lieux que j'utilisais. C'étaient généralement des amis ou des personnes que j'avais rencontrées en travaillant ensemble. Maintenant que j'y pense, cela fait déjà 20 ans depuis ma première exposition, qui n'était pas à Tokyo, mais à Pékin.”

 

J'étais toujours à la recherche de lieux intéressants pour exposer : des boutiques spécialisées, des cafés, des bars. 

 

Au Japon, les industries de l'art, de la mode et de la musique se mêlent souvent. C'est pourquoi Takeru s'est rapidement retrouvé impliqué dans toutes ces sphères. Il concevait pour des marques de mode tout en réalisant des flyers pour des événements musicaux, participait à des performances de peinture en direct la nuit et organisait des expositions le jour.

 

Quand je pense à vous, en tant qu'artiste, Takeru Amano, il est difficile de vous imaginer travailler pour quelqu'un. Pourtant, vous avez été graphiste pendant des années.

 

“Jusqu'à mes 30 ans, j'ai travaillé comme graphiste à côté de mon activité artistique. Mais après la naissance de mon enfant, j'ai décidé d'arrêter et de me consacrer pleinement à la peinture. Avoir un enfant vous fait réaliser ce qui est vraiment important. En plus, on n'a plus de temps à perdre !”

 

(solo exhibition - Icone Gold - Paris, 2017  ©️Sato Gallery) 

 

Les icônes, c'est ainsi que nous aimons appeler les sujets qui apparaissent sur les toiles ou les papiers de Takeru : pandas, montagnes, femmes, citrons, bougies, pour n'en nommer que quelques-uns. Son univers est unique et enfantin, inspiré par la culture japonaise de la fin du XXe siècle dans laquelle il a grandi.

Takeru utilise des sujets classiques, philosophiques ou même mythologiques et les mélange à une esthétique néo-pop, souvent avec une touche d'humour. Imaginez une Vénus avec un citron, ou la Vierge Marie esquissée en couleurs néon éclatantes. Il est surprenant de voir ces icônes bien connues (occidentales) sous son prisme pop tokyoïte, une vision parfois surréaliste.

 

En 2020, il a publié son premier livre d'art, “Icons”. Depuis, sa carrière a pris son essor avec une reconnaissance internationale et des expositions à travers le monde. Depuis un an, il est encore plus prolifique qu'il ne l'a été au cours des 20 dernières années. Exposition après exposition, ses Vénus sont présentées aux quatre coins du globe.

 

En 2017, pour son exposition “Icons II” à Hong Kong, Takeru Amano écrivait :

 

 

(solo exhibition - 2021: A Space Odyssey - Paris, 2021 ©️Sato Gallery) 

 

Quand avez-vous commencé à peindre des nus ?

 

“Ça doit faire une dizaine d’années.”

 

À quel type de femme pensez-vous lorsque vous créez une Vénus ?

 

“À mes ex-petites amies.”

 

Êtes-vous quelqu’un de nostalgique ?

 

“Oui, je le suis.

 

Mais ce sont des questions difficiles, car la réponse n’a en réalité rien de mystérieux. Au final, il n'y a pas de sens particulier. C’est comme le “Panda suspendu”, où j’ai écrit qu’il n’y a aucune signification religieuse, historique ou politique derrière tout ça. L'art, ce sont les personnes qui regardent l'œuvre. Ce sont elles qui y ajoutent une signification.”

 

Bien que la création de la Vénus ne porte pas beaucoup de sens, vous la peignez depuis dix ans.

 

“Pour être honnête, je suis un peu lassé de faire des Vénus, mais si j’arrêtais, les gens seraient mécontents. J’aimerais créer d’autres choses — principalement des montagnes — mais si je disais non, je ne serais plus le bienvenu à Paris [rire]. C’est comme refuser cela.

 

En ce moment, dessiner est devenu un travail pour moi. Mais dans ce cadre, je me ménage de l’espace pour m’assurer que j’y prends toujours plaisir. Je joue avec les couleurs, j’ajoute des paysages, et je crée aussi des animaux. J’ai créé la Vénus il y a dix ans, mais à ce stade, je ne la contrôle plus vraiment. Ces derniers mois, j’ai réalisé environ 350 œuvres.” [ndlr : ce nombre inclut toutes ses œuvres, pas seulement les Vénus].

 

Vous avez été très occupé. Trouvez-vous encore le temps de vous inspirer ?

 

“Toujours. Je me sens constamment inspiré par ce qui m’entoure. En ce moment, je n’ai pas beaucoup de temps, mais cela reviendra. 

Pour ressentir, j’ai besoin de changer d’endroit. C’est pourquoi j’aime passer du temps dans des villes comme Paris. Cependant, avec les récents changements, il a été difficile de voyager à l’étranger. À la place, j’ai fait des voyages au Japon, à Nagano – les montagnes – ou à la mer. 

Mais je me recharge plus vite quand je change de pays. Je dois aller à Nagano huit fois pour être aussi rechargé qu’après une visite à Paris.”

 

(Landscape by Takeru Amano  ©️Sato Gallery)

 

 

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